Bookmakers
Article mis à jour le 30 novembre 2007

Depuis quelques temps, on a vu apparaître une nouvelle génération de clients au café le Tasse-Livre, à l’angle de la place Sathonay. Avec leurs grandes vestes en cuir ou leurs gilets à carreaux, leurs barbes mal rasées et leurs tatouages très codifiées sur la nuque, les bookmakers jurent un peu avec la clientèle habituelle qui se donne rendez-vous dans ce nouveau lieu culturel ouvert au printemps dernier : lycéens de la Martinière, étudiantes Erasmus qui parlent dans des langues exotiques, profs de fac et mecs qui disent à la jolie brune qui cligne des yeux qu’ils sont profs de fac et qu’un jour ils ont navigué dans l’Antarctique. « C’est une bonne chose, estiment les cafetiers Nico et Roule, ça brasse un peu les populations ».

Dès tôt le matin, on peut voir ces nouveaux habitués fumer des cigares et manger des glaces au caramel salé en terrasse, lisant Lyon foot loisir, alors qu’il fait 3° et qu’il bruine. Cela commence à attirer l’attention des flics du commissariat voisin, dont la perspicacité est légendaire. A l’intérieur du Tasse-Livre, sur le mur de pierre du fond, a été installé un tableau noir sur lequel on a tracé des grilles de paris. On mise chaque semaine sur le championnat de foot loisir, on met 10 euros sur Mornant, Chinois de Lyon ou Vaugneray… Et ce lundi 26 novembre on s’intéresse bien sûr à Saint-Genis-Laval 2 et au FAR Croix Rousse qui s’affrontent dans la soirée.

Ces temps-ci le FAR a la côte : les bookmakers misent massivement sur une victoire des Rouges et Noirs, cela malgré l’absence sur le terrain du meneur de jeu et guide spirituel Gui el Pono.

Car c’est néanmoins une équipe de rêve qu’aligne le FAR ce soir de novembre au stade des Barolles de Saint-Genis-Laval. Dans les buts, Mat est revenu. Son pouce est guéri mais n’a pas totalement dégonflé et cela se révèle très pratique : il peut à présent relancer au pouce de manière extrêmement précise. En défense, Menhir et Cheval sont épaulés, claviculés et omoplatés par Raf, Vinz, Pef et Roll ; le cadre Fredinho en 6 ; Jérôme en 10 a repris sa place de slalomeur et orienteur. Au milieu, Requin, Nico et Pierre, et en attaque le trio Martin, Malik, Kobri. De quoi faire trembler les Santo Géninos.

Le match se déroule sur terrain herbeux de qualité dégradée, dans un climat froid et par un front dépressionnaire allant croissant, un vent de secteur nord nord ouest de force 2 rafraîchissant sensiblement l’atmosphère, et un indice de caillante de 7 sur l’échelle du Meulant. L’ambiance : 3 sur l’échelle du Fair-play avec des répliques désagréables en cours de partie. L’arbitrage est bien orienté, avec un indice de fiabilité supérieur à la moyenne, mais risque de déstabilisations éparses, dû à une dégradation de l’ambiance en fin de match. Le FAR attaque fort. Dans la première demi-heure, Martin ouvre le score sur un corner de Pierre, puis Kobri, lancé dans l’axe par Jérôme, enroule le ballon qui lobe le gardien. Dans le dernier quart d’heure de la première mi-temps les Santogenovis réduisent le score. Des supporters adverses au chaud dans la R19 blanche derrière les buts, klaxonnent et font des appels de phares.

2-1 à la mi-temps.

Plusieurs occasions franches permettent aux joueurs du Far de prendre le large : tour à tour Kobri, Jérôme et Pierre trouvent le poteau ou la barre transversale. Finalement c’est Malik qui redonne deux buts d’avance au FAR. Mais les SantoGénovskis ne baissent pas les bras et ils reviennent à 3-2. Encore une fois, les Faricrussiens fatiguent en fin de match, est-ce le poids des années ou la lassitude des héros après l’exploit, toujours est-il que les joueurs se mettent en danger. Après un long slalom dans l’axe, Menhir se fissure dans un craquement minéral inquiétant et doit sortir après s’être inexplicablement pété le cul : il farfouille dans la pharmacie et s’enduit de granitol.

La fin de match est fébrile. Sur le banc, les remplacés se rongent les gants et creusent le sol de manière compulsive, épluchent et dégonflent de vieux ballons de foot. Ils continuent d’encourager leurs équipiers en émiettant les bocks de bières fournis par Laurence de la Crèche « dans les moments de stress, vous allez voir, c’est radical », disait-elle un peu plus tôt derrière son comptoir en fumant deux cigarettes à la fois.

L’arbitre siffle enfin et tout le monde respire : Le Far s’impose 3-2 et reste invaincu en championnat.

Des incidents émaillent l’après match.

On retrouve Martin totalement nu, tout mouillé et couvert de mousse dans une pièce blanche saturée au néon : ce n’est pas un after qui tourne mal mais le gardien patibulaire du stade des Barolles qui veut rentrer chez lui et qui vient de couper l’eau.

L’apéro dégénère rapidement : les quelques chips (on peut presque les compter) et la douzaine de bières offertes par les San-Genois ne suffisent ni à étancher la soif ni à apaiser la faim des joueurs.

Enfin, plus grave, les licences des joueurs du FAR disparaissent mystérieusement. Sans licence, plus de saison, et sans saison, plus de sport régulier pour nos joueurs, retour au blanc et au picon, désertion du rayon football. Des appels sont lancés. Le lendemain les bookmakers du Tasse-Livre affirment qu’ils n’y sont pour rien. Pourtant, ces licences valent de l’or au marché noir. Leur disparition modifie considérablement la donne des paris sur le championnat de foot loisir que domine le FAR depuis le début de la saison. Les enjeux sont énormes et nul ne sait ce qu’il adviendrait si ces licences échouaient dans de mauvaises mains. A Karachi, Saint-Etienne ou Kinshasa, on tue pour moins que ça. L’angoisse s’installe sur la Croix Rousse.

Mais finalement c’est Menhir qui les retrouvera quelques jours plus tard dans son sac de sport, c’est du moins ce qu’il affirmera – même si certains bookmakers de peu de foi l’auraient vu la veille à l’aéroport, au comptoir d’embarquement de Qatar Airlines, les yeux exorbités par le remords…

L’homme du match : c’est Cheval Fou, cet élégant équidé qui a rejoint le FAR aux origines du club, après une première jeunesse aventureuse : d’abord, à peine sorti de l’adolescence, un long séjour tumultueux avec son copain Poly en Tunisie, puis sa rencontre déterminante avec l’Etalon noir avec qui il écume les soirées étudiantes du Middle West avec grand succès, se succèdent ensuite des séjours aux Emirats et des expéditions dans les plaines d’Asie centrale…puis « heureux qui comme Ulysse a vu cent paysages », est revenu au pays pour s’installer à Villeurbanne où les licornes abondent.

Joueur polyvalent, Cheval Fou s’avère un buteur efficace (déjà 5 buts cette saison) mais aussi un défenseur central agile, galopant, aussi habile au saut d’obstacle qu’au rodéo. Il faut également noter que Cheval Fou ne fait plus caca sur le terrain, ce qui coûtait parfois des points de fair-play au FAR.

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