Le rédacteur de ces lignes est totalement aphone. Il profite d’un arrêt de travail providentiel, l’empêchant de retourner raconter à d’innocents élèves de 5èmes des anecdotes vaseuses sur Clovis et ses copains en peaux de bêtes sentant très mauvais, pour chuchoter une bonne année 2008 à la troisième personne du singulier ainsi qu’à tous les joueurs et supporters des Rouges et noirs croix-roussiens. Meilleurs vœux pour cette nouvelle année qui verra à n’en pas douter, la deuxième étoile du FAR.

Ceci dit, les joueurs du FAR savent bien que le chemin est long jusqu’à la victoire finale et que tant qu’on n’a pas traversé la rivière il ne faut pas insulter le crocodile, comme on dit chez les Sangos. Il s’agit de bien négocier cette reprise du championnat de foot loisir du Rhône.

Sur le terrain synthétique de la plaine des jeux de Gerland, le FAR affronte ce 7 janvier, l’équipe du All Eclectic, ce qui en français veut dire : tous éclectique. Pour les nuls en vocabulaire, éclectique signifie selon le Robert micro : qui n’a pas de goût exclusif, qui ne se limite pas à une catégorie d’objets. Mouais, on n’est pas plus avancé…cette équipe a visiblement bien commencé la saison et reste mystérieuse…l’oiseau ne se pose pas sur un arbre inconnu, pensent les joueurs du FAR avec méfiance en entrant sur le terrain.

Le Far est rapidement mené 1-0 par une solide équipe éclectique. Mais comme on dit chez les Ashanti, la hache ne s’use pas à couper les bananes, et c’est avec courage que les Faricrussiens se lancent à l’assaut des buts adverses. Nico, au poste de milieu droit, pénètre dans la défense éclectique, lève la tête et ajuste un centre précis pour Kobri, qui contrôle la balle avec une adroititude rare, avise le gardien et marque. Ses cordes vocales vibrent, il est très content. Le FAR revient à 1-1.

Mais, qui a de l’eau dans la bouche ne souffle pas sur le feu, comme on dit au Togo. Et c’est un excès de confiance des joueurs faricrussiens, qui, peut-être, permet aux Eclectiques de reprendre l’avantage quelques minutes plus tard.

A la mi-temps, le coach rappelle le vieux proverbe malinké : on ne peut pas courir et se gratter le genou en même temps. Raf répond que justement, il a un peu mal au genou. C’est pas ce que je voulais dire, dit Gui. Non mais on a compris, dit Fred : la plume de l’oiseau s’envole en l’air mais elle termine par terre, comme disait ma grand-mère.

En début de seconde période, le FAR reprend l’offensive. Vinz passe à Nico qui lance Kobri dans la surface de réparation : centre en retrait pour Gui qui marque et permet au FAR d’égaliser.

Mais les voix du football sont impénétrables, et comme on dit chez les Bayombés du Congo, le caméléon change cent fois de couleur. Les Eclectiques profitent d’un cafouillage et reprennent l’avantage, puis aggravent le score : 4-2.

Sur le banc de touche, les remplaçés méditent : C’est la débandade de morue, dit Pierre. On a un pied dans la gueule du caïman et on continue à vouloir pêcher la sardine, se lamente Jérôme. Ben ouais, dit Roll, mais le boa a beau être long il ne peut tout de même pas dormir sur deux termitières. Puis il ajoute : et puis je sais pas pourquoi, ça m’énerve, mais sur le côté gauche, personne m’a donné la balle. C’est sûr qu’une poule qui court partout rencontre forcément le serpent, chuchote Kobri. Un spectateur pygmée intervient et constate que la tortue ne mord pas la patte du léopard.

Cependant, sur le terrain, l’espoir revient : le FAR reprend l’offensive. Martin trouve le poteau puis finalement c’est Malik qui marque, pour revenir à 3-4.

Peu de temps après les projecteurs du stade s’éteignent : le FAR concède sa première défaite de la saison en championnat.

Dans le vestiaire, l’atmosphère est morose. Un silence un peu amer pèse un moment sur les épaules des joueurs. L’interdiction de fumer sous la douche est respectée, même si certains ne peuvent s’empêcher de sortir dehors tout mouillés pour griller une clope.

On débat sur les points de fair-play : les Eclectiques ont été un peu violent et surtout, honte à eux, ils n’ont pas prévu l’apéro. C’est à jeûn que nos joueurs reviennent à la Croix-Rousse.

La salle du Broc est vide, à peine une demi-douzaine de clients mélancoliques sont penchés sur le zinc. L’interdiction de fumer dans les lieux publics est entrée en vigueur. L’absence d’odeur de cigarette à l’intérieur à quelque chose d’oppressant, même pour les non-fumeurs du FAR. L’interdiction des cacahuètes prévue pour février, puis celle de raconter des conneries au comptoir au 1er mars, tout cela inquiète le patron du bar. Va-t-il devoir changer de métier ? Bienvenue en 2008, l’année de la Hyène selon le calendrier sarkozy.

L’homme du match : Cheval fou, pour la deuxième fois de la saison. C’est sûr qu’il en a dans les papattes le canasson, il entre sur le terrain en piaffant et hennissant de plaisir, il galope et rue en défense centrale, remonte la baballe vers le milieu en évitant tous les obstacles…C’est pour ça qu’il faut bien prendre soin de Cheval Fou, lui gratouiller le poitrail après le match, se relayer pour lui faire les sabots, lui brosser la crinière chaleureusement...C’est qui qui achète le son et le bloc de sel pour le prochain match ?