St-Genis-Laval 2 - FAR

Fin avril 2008, dans une petite bourgade d’Europe occidentale.99% d’humidité.

La pluie n’a pas cessé depuis des jours, on se croirait dans Nostalgie de la Magie Noire de Ravalec et on se demande si cela va finir par s’arrêter. Le paysage semble littéralement dégouliner, un temps à faire pourrir les hérissons sur pattes et rouiller les Opel Corsa. Quelques dirigeants irresponsables continuent à dire : c’est bon pour la nature. Mais on ne demande pas leur avis aux arbres et si ça se trouve ça les saoule aussi cette pluie de merde, autant que les humains qui s’enfoncent dans la mélancolie et assistent impuissants à cette fin du monde version serpillière, une apocalypse dans la grisaille et dans la boue, quand on s’attendait plutôt à un bouquet final, du genre chute d’un astéroïde ou guerre bactériologique.

Un petit groupe d’hommes résistent encore, cependant, et refusent d’abdiquer face à la froide et humide colère du ciel. Ce sont les robustes joueurs du FAR qui ce soir là sont sur le pied de guerre pour affronter Saint Genis Loisir 2. Ce ne sont pas les rivières en crues qui commencent à envahir les routes menant à Saint Genis Laval, ni le spectacle pathétique de ce gigantesque embouteillage de zodiaques sur le parking de Auchan, qui vont décourager les Faricrussiens.

Enfin quand même un peu en arrivant au stade et en constatant que le terrain ressemble à une rizière après le passage d’un tsunami. Les joueurs des deux côtés se demandent s’il est vraiment nécessaire de jouer au foot ce soir-là.

Mais bon, on ne s’est pas déplacé pour rien. Certains disent : allez, on va se marrer…Et on voit bien que c’est les mêmes qui étaient les plus assidus aux séances Waliby du début de l’année. On décide de jouer : dans le vestiaire les coachs El Pono et Fredinho distribuent les monokinis rouges et noirs.

Sur le terrain, le ballon glisse difficilement ou bien bondit en aquaplaning. Le jeu à terre est considérablement ralenti et tout le talent des joueurs est d’anticiper les trajectoires freinées, les ballons tombant à l’arrêt dans un grand splash au milieu d’un trou d’eau, d’anticiper le moment où l’adversaire va être englouti par une vague déferlante. Les spectateurs présents assistent à un grand son et lumière aquatique, où, au milieu des éclaboussures et des gerbes d’eau surgissent des orques géants qui d’un puissant coup de nageoire projètent des otaries très haut dans les airs, puis inlassablement les repoussent avec brutalité vers le large où les otaries vont progressivement se fatiguer et finir, sonnées, dans les mâchoires de ces terribles épaulards…

Au milieu de la tempête et poussés par ce puissant champ de pression océanique, le FAR Croix Rousse rentre très bien dans le match et mène 4-0 à la mi-temps. Puis il reprend deux buts en début de seconde mi-temps. C’est le moment que choisit le chroniqueur remplacé sur le terrain pour s’absenter discrètement avec deux autres joueurs du FAR afin de goûter un moment de quiétude sous la douche. Quand il reviennent tout tièdes, détendus et enduits de monoï, six autres buts ont été marqués, 1 pour le Saint Genis Loisir Deux et 5 pour le FAR.

Au final 9-3 pour le FAR : un vrai score de water-polo ou de baby-foot subaquatique.

Du fait de l’ampleur du score, ne cherchez pas ici une chronologie précise des buts.

Trois doublés et un triplé, voilà comment résumer les choses :

Deux têtes de Croutch.

Deux buts de Gui, el numero 10, sept buts à son actif au cours des quatre derniers matchs.

Deux buts de Kobri, dont une kobrouillada réussie, la première en match officiel au FAR, une retournée acrobatique digne d’Amara Simba dixit le Prèze, et surtout le fruit de 25 ans de travail acharné enfin récompensé.

Enfin un triplé de Malik, qui revient en fanfare après ces trois semaines de stage intensif dans les forêts du Guatemala, où il devait respecter un strict régime de tacos, peyotl et bière tiède entre deux joggings autour des pyramides mayas.

Au cours de l’apéro succédant au match, l’arbitre Serge fait tinter son sifflet sur sa cannette de Kro et demande l’attention : c’est avec émotion qu’il annonce qu’il effectue un de ses derniers matchs de foot loisir. En effet très bientôt sa vie va changer, il a été sélectionné pour arbitrer plusieurs matchs de l’Euro et convoqué à Baden Baden où a lieu la formation accélérée. « Quand j’ai reçu le courrier de la Fédération, j’y croyais pas ». Mais tous, nous savons que c’est le résultat du travail de Serge, sa désinvolture et sa nonchalance, son ouverture au dialogue, sa souplesse sur le temps de jeu et la définition précise du hors-jeu, bref ce n’est pas tout à fait une surprise, et tous les joueurs présents portent un toast à cette heureuse promotion. « Ouais, ça faisait depuis 82 que j’attendais ça …Eh, le 9 juin vous regarderez, c’est moi qui arbitre Italie-Roumanie…ça va pas être de la tarte avec Del Piero... ! ».

L’homme du match Dans la catégorie « retour gagnant » : Croutch et ses deux têtes bien ajustées pour signer son retour au FAR après un an de contrat au Saillans football club. Comme le concède Guerrier du Nord, « le FAR dans le jeu aérien, c’est vraiment des tanches ». L’image n’est pas très claire – et puis c’est pas sympa pour les tanches - mais il est vrai que le retour du Grand Xa amène un surplus de vivacité en attaque.

Dans la catégorie « gros gros travail en milieu de terrain » : Lio, déterminant dans le lancement des actions offensives. Yalla ya bacha !

Dans la catégorie « ça y est putain il l’a enfin placée » : Kobri et sa retournée acrobatique.

Enfin dans la catégorie « Theo Walcott » : Vinç qui a plusieurs reprises remonte le ballon très haut en feintant un nombre incalculable d’adversaires à petits coups d’accélération dans les flaques.