Super 3

Finalement notre vrai boulot c’est le football, se dit Kobri en pissant dans les buissons à côté du terrain de l’hôpital Charial ...A côté, sur notre temps libre, on fait des tacos, des analyses de sang, on vérifie des gouttes à gouttes et on cure des gouttières, on s’occupe d’adolescents compliqués.... Mais notre véritable métier, c’est de pousser le caillou, faire des crochets, des passements de jambe et des grands dégagements, des passes bien ajustées et des têtes plongeantes. Ouais c’est pour ça qu’on est mondialement connu au nord du boulevard de la Croix-Rousse. C’est pour ça qu’on s’esquinte les articulations trois jours de suite à la frontière du mois d’avril et du mois de mai, au coeur de l’entre deux tours, au crépuscule de l’ère Sarkozy....

Deux jours plus tôt à Marcy l’Etoile : c’est par là l’entrée du tunnel du Super 3. Sur un stade synthétique rutilant, au moins 9 sur l’échelle du Stadium. A l’aller le FAR l’avait emporté 4 buts à 2, alors un seul mot d’ordre : confirmer et gagner le match retour.

Et il s’agit d’ un match sérieux, sinon brillant : dès la 20ème minute, une passe décisive de Yvan permet à Flo d’ouvrir le score. 1-0, l’avantage est là mais il est précaire : pas mal d’occazes mal négociées du côté du FAR et une grosse résistance de Marcy, les deux équipes se neutralisent.

L’homme du match c’est Cat Richard, gardien bondissant et paradant, s’arquant vers la lucarne, éloignant les dangers d’un coup de patte, sauvant le FAR en de nombreuses occasions. Grâce à lui, le FAR conserve le score et finit par remporter le match.

Un apéro de luxe Franprix suit la rencontre : Pierre a encore dépensé sans compter pour nourrir ses coéquipiers après le match, déclenchant un accès de tableur-excelite aïgue chez le Guerrier du Nord Trésorier. “Oui, mais lui répond l’expert nutrition du FAR, sais-tu qu’un footballeur perd en moyenne 750 calories au cours d’un match-loisir ?” Et le Prèze d’abonder dans son sens : “Putain les mecs, demain c’est le tournoi de Craponne : alors allez-y sur les paninis magrets de canard et le homard et puis on s’hydrate à la Kro, c’est bon pour les muscles !”

Ca enchaîne effectivement le lendemain matin. 8h30, le 1er mai sur le boulevard de la Croix-Rousse : pas un pélo aux alentours, à part quelques enfants pauvres aux yeux brillants qui vendent du muguet au feu rouge. De l’autre côté de la place, des footballeurs matinaux en tongs et équipés de magazines spécial jour férié se mettent en route. Pas de manif (mais le coeur y est) pour nos bonshommes mais un gros tournoi : celui de Craponne.

En tout 9 Faricrussiens présents : Boris, Péto, Kobri, Fredinho, Pierre, Flo, Richard, Mat Riou, Yvan appuyés par José – notre hôte sur les terres craponnoises. L’année dernière à Craponne, le FAR avait remporté le trophée (un peu moche mais un trophée quand même). C’est dire que les Rouges et Noirs sont attendus au tournant.

Résumé possible de la journée : Café – Match – Café, Coca, L’Equipe, Taureau – Match - Sandwich Viande hachée, Bière, Frites, Taureau – Match - Bière, Frites, Canard Enchaîné, Bédo, Otarie le long de la touche – Match – Coca, Bédo, Sieste, Coup de soleil,Taureau – Match – Bière, Pastis, Bédo, Sandwich Merguez, Frites et Ketchup – Match....Et pendant ce temps le soleil fait tranquillement le tour complet du terrain avant de se poser dans les tribunes avec une Heineken.

Les scores : 2-1 (un beau but casquette pris par le Riou qui sera exemplaire par la suite), 3-0, 3-0 (match époustouflant du FAR contre l’équipe féminine senior de Craponne, but d’Yvan et doublé de Kobri – qui a quand même des gros soucis en pitchenette -, Pierre qui n’hésite pas à envoyer des grosses patates, ben ouais faut pas sous-estimer l’adversaire ce serait leur faire injure), 2-1, 0-0 : à l’issue des matchs de poule le FAR est qualifié pour les quarts de finale.

Ils rencontrent en quart le finaliste de l’année dernière, l’équipe locale de Craponne : 12 minutes incroyables du FAR Croix- Rousse et 3 buts plus tard, le FAR prend son ticket pour la demi-finale. Très sûr d’eux les Faricrussiens attendent déjà le titre, et comme la finale est prévue vers 19 heures, ils téléphonent à leurs meufs pour les prévenir qu’ils rentreront sans doute un peu tard.

Et pourtant, l’aventure tourne court en demi-finale : les Rouges et Noirs sont rapidement déstabilisés par des mecs avec des tee-shirts Région Rhône-Alpes, des vétérans de 45 ans de moyenne d’âge, qui déroulent 1-0, 2-0...et qui achèvent tranquillement le FAR 3 buts à zéro dans les 12 minutes règlementaires.

Malgré la déception, le collectif ne se démobilise pas et commande une tournée de bières et de sandwich steack (haché mais d’origine non identifiée). Allez c’est un beau parcours, à la sortie le soleil part se coucher derrière les monts du lyonnais et la buvette est pleine de bonshommes dérouillés par une journée foot-bière, d’enfants qui circulent entre les papas bourrés et les mamans compréhensives qui fument des clopes et comptent les tickets engrangés.Les joueurs du FAR s’en vont peu avant le tirage de la tombola.

Une nuit brève, suivie d’une longue journée de taff plus tard....ils sont 12 à chausser de nouveau leurs crampons fétiches rafistolés su le terrain de l’hôpital gériatrique Charial.

5 d’entre eux sont en passe d’accomplir le Super 3. Flo, Boris, Kobri, Péto et Richard, cinq à arriver complètement fourbus, avec des hanches qui se déboîtent, des cuisses ankylosées, des chevilles qui craquent et des capacités d’endurance sérieusement diminuées.

Sept autres Faricrussiens un peu plus frais sont là : Checheu, Péto, Rémi, Pierre, Burns, Vinz et David. Sur la touche, venu encourager : Pef le pompomboy, toujours en convalescence, qui compte bien assister à un festival de buts. Le FAR joue en effet contre FAT, la sympathique Football Apéro Team - éclatée 10-2 à l’aller, alors malgré l’état physique déplorable de plusieurs joueurs, il ne semble pas y avoir d’inquiétude à avoir.

Pourtant les deux journées précédentes ont laissé des traces et de fait le FAR peine à prendre l’avantage. But finalement juste avant la mi-temps : ouverture de Vinz aux abords de la surface pour Péto qui frappe, le ballon est repoussé par le gardien, repris du gauche par Kobri. 1-0 à la mi-temps.

En confiance donc, mais l’avantage est court : en deuxième mi-temps rien ne passe, ni Flo, ni Kobri, ni David, ni Raf ne parviennent à marquer, les passes sont imprécises, les centres à la louche, du bon boulot du côté de Burns, Vinz, Cheucheu et Péto, mais sinon les joueurs du FAR semblent cramés et en tout cas inefficaces.

Et surtout le Foot Apéro Team ne se démobilise pas. Une balle mal repoussée revient dans les pieds d’un attaquant du FAT qui frappe de plus de 30 mètres, au jugé, et pas mal de joueurs font écran, le chat Richard est un peu trop sorti de sa cage, surpris il lève ses pattes de devant mais trop tard, le ballon passe, le FAT revient à 1 partout. Il reste 2 minutes à jouer et c’est trop peu de temps pour reprendre l’avantage : le score en restera là.

Les joueurs du FAT sont comme des dingues parce que c’est la première fois qu’ils ne perdent pas cette saison : celui qui a marqué entre même en bonne place au classement des buteurs. Du côté des Rouges et Noirs, c’est l’abattement, voire la grosse te-hon. Les joueurs rentrent silencieusement dans les pires vestiaires à l’Ouest du Rhône, ne se lavent pas (de toute façon il n’y a pas d’eau) et c’est à peine s’ils enlèvent leurs protège-tibias pour l’apéro. Personne ne veut prendre la responsabilité d’envoyer le texto au Gui et au Fredinho, craignant la disgrâce. .

Ainsi s’achève le Super 3 : un bilan très mitigé. Pef le Pompomboy, n’est pas sûr qu’il fera le déplacement pour le match suivant. Ca sent pas très bon pour la journée finale les gars, dit-il. Mais quelqu’un relativise : dans tous les cas on sait bien qu’on sera invité, seulement on va nous prévenir la veille, et ça, c’est vraiment pas pratique.